L’art abstrait, une invention du 20e siècle
Au cours de la deuxième décennie du vingtième siècle, un tournant radical et déterminant s’opère en peinture, l’invention de l’abstraction.
Certes, depuis la nuit des temps, des formes non figuratives ont été utilisées au sein de programmes décoratifs, par exemple les grecques ornant les terres cuites de l’Antiquité, les arabesques des ferronneries baroques ou les volutes de l’Art Nouveau. Mais ces motifs étaient subordonnés à des finalités extérieures, comme l’embellissement d’un lieu ou d’un objet.
La démarche qui caractérise les maîtres de l’abstraction du début du 20e siècle consiste à proposer, purement et simplement, une "image abstraite".
L’oxymore que constitue cette expression, une image étant traditionnellement définie comme une réplique de la réalité, indique la nouveauté de l’entreprise. Les peintures abstraites sont des images autonomes qui ne renvoient à rien d’autre qu’elles-mêmes. Dans ce sens, elles s’apparentent aux icônes de la religion orthodoxe qui manifestent la présence d’un contenu plutôt qu’elles ne le représentent, mais, à la différence de ces images religieuses, les peintures abstraites rompent avec le monde des apparences. Elles révèlent l’existence de réalités jusqu’alors invisibles et inconnues, que chaque artiste détermine à sa façon, selon ses propres convictions, son parcours et sa culture, de l’art populaire aux théories les plus spéculatives. Chacun des quatre artistes pionniers de l’abstraction, Frantisek Kupka, Vassily Kandinsky, Kasimir Malevitch et Piet Mondrian, aboutit ainsi à sa propre formulation de l’abstraction, indépendamment des autres.
Ils ont néanmoins franchi le seuil de l’abstraction à peu près au même moment, entre 1911 et 1917, simultanéité qui peut s’expliquer par des préoccupations communes. Ils avaient tous une pratique spirituelle ou ésotérique. Ils étaient aussi, pour certains d’entre eux, très attachés à la musique, le moins imitatif de tous les arts, qu’ils ont parfois pris comme modèle. Et, plus généralement, ils travaillaient dans un contexte culturel, en particulier scientifique avec l’apparition de la physique quantique et de la théorie de la relativité, où la notion de réalité devenait problématique. Comme le remarquait Paul Valéry à cette époque, "Ni la matière, ni l’espace, ni le temps ne sont depuis vingt ans ce qu’ils étaient depuis toujours". Dans ce contexte culturel et scientifique du début du 20e siècle, la réalité est moins ce que l’on perçoit à l’aide des cinq sens qu’une entité que l’on approche par des expériences de pensée.
Les inventeurs de l’abstraction proposent une nouvelle forme de peinture en adéquation avec cette conception du monde.
. Lexique
Il s’agit d’enrichir le vocabulaireen apprenant quelques mots clefs afin de
favoriser l' expression orale et écrite au sujet des œuvres.
Art abstrait : art qui peut se passer de modèle et s’affranchit de la fidélité à la réalité visuelle.
Art informel : type de peinture pratiquée par les artistes français dans les années 1940-1950, sur
lequel Fautrier eu une forte influence. Ces œuvres s’éloignent de la représentation et insistent sur
le geste de l’artiste et le traitement brut de la matière.
Art figuratif : art qui s’exprime au moyen de la représentation de la réalité extérieure, par
opposition à l’art abstrait.
Cartel : plaque posée à côté d’une œuvre dans un musée, indiquant le plus souvent le titre,
l’auteur et la date de celle-ci.
Expressionnisme abstrait américain ou action painting : expression utilisée pour désigner la
peinture d’une génération d’artistes américains actifs dans les années 1940-1960, à laquelle
appartient Pollock. Ce courant met l’accent sur l’acte physique de peindre, moyen d’expression
favorisant la couleur et les mouvements liés à la création.
Haute pâte : procédé inventé par Fautrier dans lequel la matière posée sur le support est
constituée d’épaisseurs de papiers entassés, pastel, colle et peinture à l’huile.
Marouflage : technique consistant à faire adhérer, à l’aide d’une colle très forte, un support
pictural mince et souple sur un autre support plus rigide.
Matiérisme : tendance de l'art pictural du XXe siècle, fondée sur l'accumulation et le travail d'une
matière épaisse (constituée de peintures, pâtes, enduits, etc.), poursuivie par exemple par
Fautrier et Dubuffet.
Nature morte : représentation peinte d’objets, de fleurs, de fruits, de légumes, de poissons ou de
gibier.
Nu : représentation du corps humain nu dans les créations artistiques.
Paysage : œuvres d’art dont l’objet principal de représentation est un site naturel, urbain ou rural.
Primitivisme : intérêt des artistes occidentaux pour les arts dits « primitifs », de l’Afrique et de
l’Océanie traditionnelle.
Réalisme de l’entre deux guerres : cette expression est utilisée pour désigner les peintures
figuratives datant de cette période qui ne comportent pas de déformations majeures. Suite à la
première guerre mondiale, de nombreux artistes pensent que l'ère des aventures hasardeuses est
passée et se disent partisans d’une peinture figurative.